jeudi 30 décembre 2010

Michel Grisolia / A propos de Nice, la suite.


1995 : Arielle Dombasle, dans le ségment niçois de Raoul Ruiz,
puis entartée à l'Aéroport de Nice.

« Nice en V.O. »

Site L'Express, Michel Grisolia, 7 sept. 1995.


Auteur de La Promenade des Anglaises, Michel Grisolia est niçois d'origine. Il a vu pour nous le film collectif consacré à sa ville.


Elle est née, dit-on, pour le farniente et la futilité, l'extrême droite et la pissaladière. Les lettres de son nom l'indiquent, Nice aime aussi le ciné. Il est vrai qu'elle s'en fait du cinéma, des batailles de fleurs à celles pour la mairie, et qu'elle l'adore quand, américain, il la flatte. Caricature ? A se voir éternellement comme dans une chanson de M. François Deguelt, sous « le ciel, le soleil, la mer », elle s'est perdue, ma ville. Jean Vigo, pourtant, l'avait prévenue, et secouée. En 1929, le Rimbaud de la pellicule la filme parée pour le Corso, puis la déshabille et la viole sur les galets de la plage, le tout en vingt et une minutes de poème visuel acerbe. C'est A propos de Nice, « documentaire social sur les derniers soubresauts d'une société qui s'oublie jusqu'à vous donner la nausée ». S'est-elle, depuis, ressaisie ? Clientélisme, guerre des casinos : à trop jouer l'amour Médecin, rien ne va plus. Soixante-six ans après le Jean de L'Atalante, sept cinéastes viennent des horizons les plus variés enfoncer un nouveau clou dans la chair bronzée, décatie, liftée, infiniment triste mais toujours contente d'elle-même de Nizza-la-Bella. Leur en voudrait-elle qu'elle aurait tort. A propos de Nice la suite rend à la cité ses vrais visages. La caméra de chacun a l'inspiration diverse : du constat au conte, de l'interview à la flânerie, du minipolar à la longue lettre d'adieu. Mais l'oeil collectif est exact.


Le Clézio réuni à Depardon, c'est Nice tournée vers l'ailleurs ; "Ici, Beyrouth" : beau texte d'épousailles entre l'Orient et « la Prom'» (lire : la promenade des Anglais). Sur un banc de cette même promenade, les trois retraités filmés par Catherine Breillat ont l'accueil moins facile. Leurs propos : un condensé aimablement odieux de fausses informations et de fantasmes sur l'esclavage ou les chômeurs, qui fleure la xénophobie, le racisme. C'est aussi cela, Nice : le rejet, le venin, l'entre-soi.


Mais la douceur de la vie, si chère à Jules Romains ? Cette splendeur alanguie qui, hors saison, vous serre le coeur ? Avec un peu d'ironie et pas mal de tendresse, Abbas Kiarostami et Parviz Kimiavi les montrent, sous le prétexte d'un reportage sur Vigo. Façades ocre, jaunes, terre de Sienne de la vieille ville. A deux églises de là, Paul Touvier achevait il y a peu sa course infâme. Se rappeler aussi que là-haut, sur la colline, à Cimiez, les arènes qui font aujourd'hui du jazz chantaient, hier, avec Darnand. Aimer Nice, c'est ne pas masquer ses pires faiblesses. Costa-Gavras frappe fort : il filme, sans le son, un meeting du Front national. Entre deux mesures de « Nabucco », des gros plans silencieux de participants ravis. Parmi eux, Me Peyrat, qui n'avait pas encore rompu... L'indésirable et le sublime, le dérisoire et le grotesque, la violence de Nice, ville-fiction, tout est là : dans la "Série noire" décalée de Claire Denis, l'hommage au muet de Raoul Ruiz (avec Arielle Dombasle, divine, entre Buñuel et Poe), les aristos russes et rosses de Pavel Lounguine. Aux Niçois qui mal y pensent, ces sept cartes postales feront le plus grand bien, car elles sont sans clichés.

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