Je retrouve M. à la poste où il essaye d'appeler
Porto sans succès. Il y a eu un malentendu avec des amis qui l'avaient invité
en juillet, alors qu'il doit être à Paris pour le montage. Cette affaire le
contrarie et perturbe notre repérage du matin au cimetière du Château où je
prends quelques photos. M. s’intéresse à une sculpture tombale représentant un
ange dont la main droite pointe vers le ciel, tandis qu’il porte l’autre main à
son oreille, à ses pieds un mort tente de soulever le couvercle de sa tombe. Le
doigt de l’ange montrant le ciel, tente évidemment de dissuader le mort de
sortir de son sépulcre. La naïveté et l’étrangeté du tableau amusent M. Mais il
peste en tournant autour de la sculpture, l’ensemble de la scène est
incadrable.
Il me demande de prendre une photographie de lui.
Il escalade la pierre tombale et prend la pose. Depuis la séance photo devant
les toilettes automatiques, il a pris goût à ces photos-gags.
Nous visitons ensuite le cimetière juif, à gauche
de l’entrée, une petite tombe. Sur une stèle, un avion et une voiture des
années 20 en granit. Sur les flancs de la tombe, un bas-relief représentant un
petit train. Un texte a été gravé : « Un enfant est mort, et c’est une
injustice, car c’est aux enfants d’accompagner les parents à la tombe ». On
interprète : l’avion, la voiture, le train sont sans doute les derniers
présents que voulait l’enfant avant de mourir. Ses parents n’ont pu exaucer ce
vœu, et c’est pourquoi ils ont fait sculpter ces jouets dans la pierre.
Fin du repérage. RV à 15h.
M. veut tourner « utile » et minute
impitoyablement la séquence du chemin de Nietzsche. Les plans seront rythmés
sur du Wagner.
Déjeuner à l’hôtel. Le portier me demande si je
connais Madeleine Robinson, dont il était le voisin. Il est portier dans cet
hôtel depuis trente ans. L’endroit est confortable, la décoration du hall un
peu ridicule, avec une fontaine et un jet d’eau qui gargouille. Les clients
sont pour la plupart âgés et ont pris pension à l’année, l'après-midi, ils font
la sieste dans la fraîcheur du hall. La propriétaire de l’Excelsior m’a proposé
une grande chambre ensoleillée au dernier étage avec terrasse, réservée aux
familles nombreuses. La chambre est calme, tous les jours à l'heure du
déjeuner, on entend un apprenti pianiste qui exécute – dans tous les sens du
terme – La Lettre à Élise sur un piano qui ne tient plus l'accord.
Raoul Ruiz m’a confirmé les dates de début du
tournage de La Ville des pirates pour la deuxième quinzaine de mai. Je pourrai
rester presque deux semaines pour les trucages. Fabrication d’un support pour
installer le miroir semi-transparent sur la caméra.
Samedi 21 avril
Nous sommes allés dîner avec M. chez un ami, un
jeune anthropologue portugais. Discussion sur le cannibalisme. On en vient
inévitablement à évoquer Le Territoire
de Raoul Ruiz. M. me dit qu’il éprouve beaucoup de sympathie pour lui et
apprécie son humour. Je saisis l'occasion pour lui demander s'il voit un
inconvénient à ce que je parte une dizaine de jours pour le tournage du film de
R., pendant qu’il sera lui-même à Porto. Permission accordée.
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