« Robert De Niro n’est pas du genre à s’épancher
dans la presse. S’il bouffe littéralement l’écran à chacune de ses apparitions
au cinéma, il se fait bien plus discret en dehors des plateaux. Pour dire les
choses simplement, l’acteur semble fuir les journalistes et détester les
interviews. La Cinémathèque de Nice a donc réussi un joli coup en invitant l’acteur
à donner une leçon de cinéma à une poignée de privilégiés le 9 mars dernier.
Brazil a reniflé l’événement et a tenu à être présent. Récit d’une soirée pas
comme les autres.
La machine
à remonter le temps se met en branle…
Jeudi 4 mars : l’information, toute fraîche, de la venue
de Robert De Niro à la Cinémathèque de Nice nous arrive.
Vendredi 5 mars, 15h : Nous sommes sur place. La Cinémathèque
de Nice est un endroit charmant respirant le bon cinéma. Un employé nous
explique que c’est complet, re-complet et re-re-complet au cas où nous n’aurions
pas compris (que c’est complet, vous aviez saisi). « C’est De Niro, hein,
les enfants ! Tout le monde s’est jeté sur les places ». Nous sommes
priés de contacter une demoiselle, Emilie, qui participe à l’organisation de l’événement
pour en savoir plus. Ou pas.
Vendredi 5 mars, 15h30 : « Emilie est absente » nous
indique-t-on au téléphone « mais vous pouvez faire une demande officielle
auprès de la mairie ».
Vendredi 5 mars, 15h40 : Coup de fil à la mairie : « Désolée,
la personne qui délivre les entrées à la presse s’est absentée. Vous pouvez
rappeler plus tard ? ».
Mais c’est
Brazil !!!!!!!!!
Vendredi 5 mars, 16h30, même numéro : « Monsieur, il fallait
nous contacter plus tôt, le service presse est fermé. Le vendredi, nous fermons
plus tôt. Merci de rappeler lundi matin ».
Mais bien sûr…
Lundi 8 mars, 11h : nous rappelons la Cinémathèque :
Emilie est là, et bien là : « Brazil ? J’adore ! Je prends
note de votre demande mais appelez le numéro que je vais vous donner. La dame
que vous aurez au téléphone s’occupe des entrées pour la presse ».
On avance !
Lundi 8 mars ; 11h10 : « Brazil ? Merci de me faire la
demande par mail
– Mais puisqu’on
vient de vous faire la demande oralement…
– Non, vous
devez la faire par mail. Merci ».
Mardi 9 mars, 12h30 : réponse au mail : « 2 places vous
sont attribuées ».
Bob, nous
voilà !
La paranoïa
américaine dans toute sa splendeur
Arrivés sur
les lieux, nous sommes agréablement surpris de constater qu’on nous a déroulé
un tapis rouge du plus bel effet. Comment ? On passe sur le côté et on
prend garde de ne pas salir le tapis ? OK, très bien.
Une horde de
policiers est là. Les agents de sécurité sont au garde-à-vous. Des anonymes se
grimpent dessus pour avoir la meilleure place afin de photographier la star à
son arrivée. Un succulent avant-goût du festival de Cannes nous est proposé en
cette douce soirée niçoise.
A peine entrés
dans l’enceinte, nous nous plions aux règles en vigueur, à savoir passer au
détecteurs de métaux et faire scanner nos sacs. De là à ce qu’on nous prie
également de passer au détecteur de mensonges… Après tout, pourquoi pas, du moment
que c’est De Niro qui s’en charge lui-même comme dans Mon beau-père et moi :
« Pensez-vous
que j’ai joué dans un maximum de daubes au cours des dix dernières années ?
« Euuuhhhhhhh…
non… »
DRRRRRRRIIIIING
« Vous
mentez ! Dehors !!! »
Finalement, c’est
aussi bien d’éviter ce genre d’interrogatoire parce qu’il ne rigole pas, le
père De Niro !
Le problème
avec les détecteurs de métaux, c’est que… ça détecte les métaux ! Eh oui !
Adieu appareils photos, enregistreurs et téléphones portable. Pas moyen d’immortaliser
l’événement. A croire qu’on embarque dans Air Force One aux côtés d’Obama. Mais
non, nous venons juste assister à une conférence de cinéma…
Il est temps
de s’emparer des traducteurs électroniques. Si on s’ennuie, on pourra toujours
s’amuser avec le matériel, toucher à tous les boutons. Hop, italien, hop
anglais, hop français, hop re-italien. C’est rigolo dites donc. Une nouvelle
précaution est prise au cas où nous serions de dangereux trafiquants de
traducteurs : remettre sa carte d’identité en échange du matériel.
Attention
les yeux
Nous croisons
la route d’Emilie, l’une des organisatrices, toujours aussi fan de Brazil, qui
nous place à l’endroit rêvé, plein axe juste devant la scène. Un abonnement
gratuit pour Emilie, chef ! Sans téléphone portable, ni enregistreur (et
ne parlons même pas d’une ordinateur portable, malheureux), nous nous sentons
tout nus. Victimes (coupables !) d’un monde matérialiste qui nous a donné
plein de joujoux dont nous sommes momentanément privés, nous nous replions donc
sur une solution étrange consistant à prendre des notes avec un stylo.
Sensation bizarre. Croyez-nous si vous voulez : le stylo ne souligne pas
automatiquement les fautes dans les mots ! Même pas un fichier word
intégré ! Mon voisin de gauche nous parle d’un truc étrange pour remédier
à notre problème : le dico. J’ai dit « co ». Il m’a répondu
sèchement « non, le dico ! Le dictionnaire ! ». « Le
quoi ? ». Il ne nous a plus adressé la parole de la soirée après ça.
Les gens s’installent
à nos côtés, et pour passer le temps nous jouons au « qui est qui ».
Oh, une tête de politicien connu ! Oh, le mec là, il bosse dans quelle
émission télé, déjà ?! Et c’est quoi le nom de cet acteur là-bas ? Ce
qui est sûr, c’est que tout le monde s’est mis sur son 31 (croquer bruyamment
des chips au milieu de ces personnes n’aurait effectivement pas été l’idée du
siècle).
De vieilles
dames blondes s’agitent devant nous. Elles ont la touche. Manteau de fourrure
et lunettes de soleil au bout du nez. Ce qui, vous l’aurez noté, n’est pas
spécialement utile à l’intérieur d’une salle. Si la brigade du bon goût passe,
elle les embarque direct.
Il reste
quelques secondes avant que De Niro n’arrive. La crainte, dans ces moments-là,
c’est de voir un type débarquer sur scène avec un micro, prêt à se faire huer
(et émasculer) en annonçant au public « Monsieur De Niro est souffrant, il
n’a pas digéré les huîtres ingurgitées ce midi et ne pourra être parmi nous ce
soir ». Heureusement, pas de mauvaise surprise de ce genre, ce soir. Bob
est dans la place, prêt à en découdre. On lit l’impatience sur les visages. Un
Monstre du cinéma est parmi nous. Sa filmographie est un véritable best of de
ce que le cinéma américain (et britannique) a produit depuis un demi-siècle :
Le parrain II de Coppola, Voyage au bout de l’enfer de Cimino, Il était une fois en Amérique de Leone, Taxi driver, Raging Bull, Les Affranchis,
Casino de Scorsese, Brazil de Terry Gilliam, Les Incorruptibles de De Palma, Angel Heart de Parker, Heat de Mann, Jackie Brown de Tarantino…
Entrons dans
le vif du sujet
Nous
apercevons De Niro dans un coin de la scène, attendant sagement d’entrer en
piste. Pendant ce temps-là, il est rappelé au public les raisons de sa venue à
Nice : l’acteur accompagne les peintures de son père au musée Matisse. Une
façon d’honorer la mémoire de son paternel dont il admire le travail. Saluons
ici l’initiative prise par la Cinémathèque et la Ville de Nice : avoir
sauté sur l’occasion pour organiser cette rencontre au sommet entre De Niro et
ceux qui l’admirent.
Sous un
tonnerre d’applaudissements, il pénètre dans l’arène. Tout le monde se lève.
Standing ovation de rigueur. Bien qu’habitué à ce genre d’accueil tonitruant,
il semble touché, sourit en saluant le public. La soirée peut débuter, animée
par Jean-Jacques Bernard, journaliste, auteur de nombreux livres sur le cinéma
et vice-président du syndicat français de la critique. Durant une heure trente
succulente, l’acteur va se prêter au jeu des questions-réponses. » Johan Girard
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