samedi 13 novembre 2010

Mimi, un film de Claire Simon

"Deux. Une femme nous parle, Mimi, je dis « nous » car elle parle à Claire Simon, la tutoyant parfois, et Claire Simon lui répond quelquefois, la tutoyant aussi ; autant Claire Simon qui tient la caméra regarde Mimi qui (lui) parle, autant Mimi, parlant, ne regarde pas Claire Simon : elle regarde ce qu’elle a sous les yeux, des bouts de ville, rues, maisons, viaducs, voies ferrées, un Nice qui est comme l’envers du décor des cartes postales de la promenade des Anglais. Il y a ce que Mimi regarde, et il y a ce que nous, spectateurs, voyons : le corps de Mimi cadré dans un décor niçois, son visage dans le soleil, et, face à elle, des fragments de ce décor prélevés par le geste de la caméra, geste de décadrer Mimi pour aller cadrer un arbre, un pont, une rivière, une porte, la Méditerranée, une façade rouge, un cyprès, un bateau, un mur de pierres… avant de revenir à Mimi — dont le corps et le visage sont ainsi calés entre deux inscriptions du lieu où s’énonce sa parole. Car Mimi parle d’elle-même ; et parfois le lieu d’où elle parle est celui dont elle parle, et d’autres fois non. Calés, décalés, corps et décor. S’ouvre assez vite dans le film la perspective de ce jeu : avec ou sans référent ? Voit-on, ou non, les lieux dont parle Mimi ? Comment les voit-on et surtout, si on le ne les voit pas, comment ? Qu’en est-il de cet art de la fausse rime (ou de la main chaude) entre les trois acteurs de la scène filmée : le lieu, la parole et le corps ?" (Jean-Louis Comolli, "L’âge des aiguilles, Mimi, de Claire Simon", Images Documentaires, n° 65/66, 2009).

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