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Pourquoi le Festival du film a échappé à Nice
Le contexte politique des années trente aura finalement favorisé Cannes.
Dimanche 17 mai 2009, Nice-Matin.
Le contexte politique des années trente aura finalement favorisé Cannes.
Dimanche 17 mai 2009, Nice-Matin.
A chaque Festival du film de Cannes, la même question : pourquoi, lorsque fut décidée la tenue d'un Festival en France, Nice ne fut-elle pas choisie ? Pourtant, la capitale azuréenne voit naître, dès la fin du XIXe siècle, les premiers studios de cinéma. En 1895, Louis Lumière a officialisé sa nouvelle invention. En 1908, la société de Charles Pathé s'implante à Nice, au 168 de la route de Turin. Jusqu'en 1930, on y tourne de nombreux films muets. Au début des années trente, l'avènement du parlant porte un coup fatal aux installations qui n'ont pu suivre les évolutions techniques. Le studio de la route de Turin disparaît en 1929. De l'autre côté de la ville, la société Gaumont a fait l'acquisition, en 1914, de terrains proches du Var où elle a installé ses studios, confiés en un premier temps à Louis Feuillade. Dans le proche quartier, la Victorine s'implante à Saint-Augustin.
Le Festival, une idée politique
Mais en ce début des années trente, l'Europe assiste à la montée des menaces fascistes en Allemagne et en Italie. Le cinéma n'échappe pas à ces tensions, d'autant plus qu'il représente un excellent mode de propagande. Depuis 1932, la célèbre Biennale de Venise a ajouté le 7e art à ses manifestations. Venise accueille le plus grand Festival du monde, et les films concourent pour "la coupe Mussolini". En 1938, l'Allemagne y glorifie le nazisme avec le film de Leni Riefenstahl sur les Jeux olympiques de 1936. La parade à cette mainmise sur le cinéma européen devient donc un enjeu diplomatique : il faut créer une grande manifestation dans un autre pays européen. La France patrie du cinéma, s'impose. Philippe Erlanger, le directeur de l'Association française des activités artistiques, lance l'initiative. L'accord de principe est acquis. Il reste à trouver la ville d'accueil. Paris accueillant déjà de nombreuses manifestations, le choix porte sur des villes de tourisme, déjà fréquentées par une clientèle aisée et passionnée d'art. Biarritz, Vichy, Monaco, Nice...
Nice écartée
La Côte d'Azur est choisie. La principauté de Monaco sera écartée, car "étrangère" à la France. Restent donc Nice, et Cannes qui met en évidence ses grands hôtels de luxe, sa Croisette et surtout sa mono-activité touristique. Nice a-t-elle été écartée car trop proche géographiquement d'une Italie qui a choisi le camp fasciste ? A-t-on craint le nombre important d'ouvriers, souvent récemment immigrés transalpins, et les manifestations syndicales possibles ? A-t-on choisi Cannes car beaucoup plus bourgeoise et calme, et surtout avec une concentration ouvrière à la Bocca, donc éloignée du centre de la ville ? Il semble, par ailleurs, que les démarches du directeur du palace cannois Le Grand Hôtel, Henri Gendre, et de Jean Fillioux du Palm Beach, aient été déterminantes. Les parlementaires et élus de la région, dont le docteur cannois Raymond Picaud, "radical communisant" et futur maire de Cannes, sont finalement conquis, et Cannes est choisie pour "son ensoleillement et son cadre enchanteur".
Il est donc prévu qu'elle reçoive, du 1er au 20 septembre 1939, le premier Festival international du film. Louis Lumière accepte d'en être le président. Devraient être présentés, entre autres, L'Enfer des anges de Christian-Jacque, La Charrette fantôme de Julien Duvivier, La Loi du Nord de Jacques Feyder, L'Homme du Niger de Jacques de Baroncelli, Sur la plage, une immense réplique de Notre-Dame de Paris illustre le film Quasimodo avec Charles Laughton et Maureen O'Hara. Ce sera l'unique projection. Alors que l'on a réuni, sur la Croisette, la fine fleur du cinéma mondial, le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l'Allemagne qui a envahi la Belgique. Le festival est annulé. Seule demeure la magnifique affiche de Jean-Gabriel Domergue. Il faudra attendre 1946 pour assister à sa renaissance. Et pour que Nice représente, en vain, sa candidature...
Roger Rocca
L’Odyssée du cinéma https://cinema2019.nice.fr/video/temoignage-de-jean-mas/
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