vendredi 28 juin 2013

L'enfant du cinéma II : Mocky

Vous êtes né…
Le 6 juillet 1933 à la clinique Santa-Maria, au 12 boulevard Tzarewitch. 1933 et non 1929 comme tout le monde le croit ! L'histoire de ma date de naissance, c'est déjà presque un film en soi…

Racontez-nous !
En 1942, mon père, qui était juif, craignait que je sois déporté. Il voulait m'envoyer « au vert » chez un ami qui habitait près d'Oran. Le problème, c'est qu'à 9 ans, je ne pouvais pas prendre seul le bateau pour l'Algérie. Heureusement, mon parrain, Julien Lairis, travaillait à la mairie de Nice. Il m'a fabriqué de faux papiers en me vieillissant de quatre ans ! Comme j'étais très grand pour mon âge, ça n'étonnait personne. Et j'ai pu embarquer… Depuis, je m'efforce de rétablir la vérité. C'est compliqué parce que tous les témoins de l'époque sont morts !

D'où venaient vos parents ?
Mon père Adam, d'origine tchétchène, naturalisé polonais, a servi dans l'armée française pendant la Première Guerre mondiale. Il a inventé une perceuse de tranchées qui porte son nom : la Mokiejewski. Ma mère, Janine Zylinska, était issue d'une riche famille catholique polonaise. Ils se sont installés à Nice vers 1922… et mon père s'est aussitôt employé à ruiner la famille. C'était un fou furieux, un jouisseur ! Il n'a jamais vraiment travaillé de sa vie. La fortune de ma mère a fondu sur les tables de bridge. Tout ce qu'elle a pu sauver, c'est la magnifique maison où nous habitions, avenue du Cap-de-Nice au Mont-Boron.

Quels souvenirs avez-vous de cette époque ?
Un jour, mon père m'a offert un ourson. Un vrai, hein, pas une peluche ! Quand il a commencé à grandir, nous l'avons donné à un zoo. J'étais inconsolable (il rit). Je me souviens aussi du jour où j'ai été mordu par un serpent…

Un serpent ?
Oui ! C'était à la Tour-Rouge, la seule plage de sable niçoise. Je devais avoir 6 ans. J'étais à genoux, je cherchais des coquillages dans une grotte et je l'ai écrasé ! C'était un serpent de Java, une espèce venimeuse. Mon père l'a mis dans un bocal et l'a porté au Musée océanographique de Monaco ! (Il rit) Vous voyez, j'ai survécu !

C'est à cette époque que vous avez découvert le cinéma ?
A peu près. Ma mère était une vraie mordue. Le jeudi et le dimanche, de 14 heures à 19 heures, elle m'amenait au Rex, rue Paganini, au Politéama, place Garibaldi ou au Studio 34, boulevard Edouard-VII. Je devais avoir sept ans quand j'ai vu Une nuit à l'Opéra. L'humour des Marx Brothers, c'était quelque chose ! Drôle et décapant à la fois…

C'est à Nice que vous avez fait vos débuts d'acteur ?
Presque : à Saint-Jeannet ! J'avais neuf ans. Mes parents fréquentaient les artistes juifs qui se planquaient, comme le compositeur Joseph Kosma et le décorateur Alexandre Trauner. Ils travaillaient - dans la clandestinité - sur Les Visiteurs du Soir que tournait Marcel Carné. Je fais de la figuration dans une scène avec Jules Berry. C'était juste avant mon départ pour l'Algérie…

Vous revenez à Nice deux ans plus tard, à la Libération…
J'ai habité quelque temps dans un bordel qui se trouvait en face de la gare. J'étais amoureux d'une prostituée, donc ça me semblait tout naturel. L'été, j'étais garçon plagiste sur les plages de la Croisette. Je présentais des jeunes femmes à des vieux messieurs…

Vous étiez mac ?
Un peu… (il rigole) ça n'a pas duré. En 1946, j'avais treize ans, j'ai épousé une fille que j'avais mise enceinte, puis je suis monté à Paris où je suis devenu chauffeur de taxi. J'ai « chargé » Pierre Fresnay qui m'a proposé un petit rôle. Et tout a démarré comme ça…

Vous revenez souvent à Nice ?
Aussi souvent que je le peux ! Jacques Médecin a toujours tout fait pour m'aider - comme aujourd'hui Christian Estrosi ! J'ai réalisé un court-métrage sur la ville, Nice is nice. Et je reviens avant la fin de l'année pour tourner mon nouveau film, Le Mentor. (Il sourit) D'ailleurs, il faut m'excuser : je dois aller auditionner une quarantaine de jeunes comédiennes. Je ne veux pas les faire attendre…

Nice Matin, 29/09/2011, Lionel Paoli.

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