vendredi 28 janvier 2011

Michael Powell, deuxième.


Tournages à la Victorine : Le Magicien (1926), Alice Terry et Rex Ingram et Le Jardin d'Allah (1927).

La Victorine avait de toute évidence été la villa d'une riche. Le terrain couvrait environ cinq hectares. La plus grande partie était retournée à l'état sauvage, mais le jardin potager existait toujours. Il y avait des oliviers et des loquats, des yuccas et des agaves, et un très haut palmier au centre du terrain. En fait, cela ressemblait exactement au backlot d'un studio hollywoodien, et ce n'est qu'aujourd'hui, en y repensant, que je me rends compte à quel point les déracinés d'Hollywood devaient s'y sentir chez eux. Car ils n'étaient d'Hollywood, ils n'y étaient pas nés : ils avaient émigré de New York ou de Chicago, attirés par la gloire des Griffith, Mack Sennett, Thomas H. Ince et Charles Chaplin. C'avait été une nouvelle ruée vers l'or, et des fortunes s'étaient faites parmi les orangeraies d'Hollywood Boulevard et Vine Street. Pour ceux qui avaient suivi Rex Ingram jusqu'ici pour tourner Mare Nostrum, Nice n'était pas tellement différente.
En 1925 la Victorine était un studio de cinéma depuis quelques années, pour la même raison qui avait attiré D. W. Griffith et les autres vers l'ouest : le soleil. Il y avait trois petits studios vitrés d'environ seize mètres sur douze, et un grand studio, de superficie double, dont la verrière avait été noircie afin de permettre l'usage de la lumière artificielle à l'intérieur. Tous les studios étaient équipés de grandes portes coulissantes et de jalousies permettant de contrôler l'intensité de la lumière venant de l'extérieur. Des rangées de loges ressemblant à des cabines étaient attenantes aux studios.
Une seconde villa, autrefois celle d'un intendant ou d'un jardinier, servait de bureaux à la troupe, car je vis des gens entrer et sortir et entendis le bruit de machines à écrire et des sonneries de téléphone. Au sommet de la côte en pente douce, derrière la villa blanche, se trouvait un long bâtiment ressemblant à une grange qui faisait bien soixante mètres et abritait évidemment les ateliers des menuisiers et des sculpteurs. L'essentiel de l'activité semblait concentré là. Par les portes ouvertes je voyais des lumières et des générateurs, une foule de gens en mouvement, et j'entendais des voix américaines.
Harry réapparut au moment où une procession de femmes pénétrait dans la villa, portant costumes, accessoires, maquillage, perruques blondes et tout ce qui caractérise une vedette de cinéma. De toute évidence Alice Terry travaillait aujourd'hui. Mon coeur battait plus fort, car si elle était là, son metteur en scène de mari ne pouvait pas être loin. Harry prenait des notes, à son habitude. "Venez Powell !" Il me précéda sur la route en direction de l'équipe au travail. (pp. 160-161)

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