dimanche 30 janvier 2011

La suite des aventures de Michael Powell

Henri Matisse et Rex Ingram devant la villa Serena.

J'apprenais rapidement, grâce à la patience et à la gentillesse de mes professeurs. Même Harry, apparemment le plus impatient des hommes, était communicatif avec moi au sujet de l'art. Il m'emmenait avec lui quand il rendait visite à Matisse dans son appartement de la promenade, situé au tournant qui contourne la citadelle de Nice, Rauba Capeu en niçois. J'avais rencontré un certain nombre de peintres sur la Côte, en particulier Bonnard, qui était doux et peu loquace. Il nous déclara : "Un peintre en bâtiment m'a dit l'autre jour : Monsieur Bonnard, vous êtes peintre. La première couche de peinture, ça va tout seul, hein ? Mais la seconde ?"
Matisse était autre chose. Il avait l'allure et le langage d'un professeur, et il était méthodique. Il avait une fiche pour chacun de ses tableaux, et nous avions entrepris de photographier toutes les toiles qu'il avait pu réunir, à Nice ou à Paris, et de réduire les photos à la dimension de timbres-poste pour les fixer sur les fiches. (...)
J'allai voir Matisse peu avant sa mort dans son grand appartement ensoleillé du palais de Cimiez au-dessus et au-delà de Nice. C'était un vieil hôtel particulier transformé en appartements. (...) J'étais venu lui demander si cela l'intéresserait de faire un nouveau décor pour le ballet Shéhérazade, musique de Rimsky-Korsakov, pour une série de films d'art que je préparais. Le projet l'enthousiasma : "Nous allons essayer cela ! Nous allons faire un coup*." Mais ces films ne se firent jamais.
(Rose c)
L'ouverture du Mépris (1963) aux studios de la Victorine.

Pendant tout cet été 1925 nous avons préparé les effets spéciaux et les scènes maritimes de Mare Nostrum. Je crois que toutes les scènes dramatiques et intimes de l'histoire avaient été tournées pendant le solstice d'été. Je ne m'étais pas attendu à la grande chaleur sèche de Nice en été. A l'époque on ne cherchait pas le soleil, avec les conséquences néfastes pour l'épiderme que cela entraîne. La chaleur venait graduellement, mais quand elle venait elle était oppressante. Le métal était brûlant. Il fallait entourer la caméra de glace pour empêcher l'émulsion de la pellicule de fondre. L'heure du déjeuner était prolongée de deux ou trois heures pour permettre à tout le monde de faire la sieste ou d'aller se baigner. Les loges étaient des fournaises, je ne pouvais plus y dormir ; il n'y avait pas de climatisation. On acceptait le fait que dans les villas, sinon à Nice, les sols de marbre étaient froids en hiver, les chambres trop chaudes en été. Je pointais désormais comme les autres employés du studio. Très audacieusement, je pris une chambre à Nice, dans une maison assez douteuse de la rue Paradis, centrale mais bon marché. (pp. 186-187)
* En français dans le texte.

Précédents extraits :

2 commentaires: