vendredi 9 août 2013

Oliveira 03

Jeudi 19 avril
Je retrouve M. à la poste où il essaye d'appeler Porto sans succès. Il y a eu un malentendu avec des amis qui l'avaient invité en juillet, alors qu'il doit être à Paris pour le montage. Cette affaire le contrarie et perturbe notre repérage du matin au cimetière du Château où je prends quelques photos. M. s’intéresse à une sculpture tombale représentant un ange dont la main droite pointe vers le ciel, tandis qu’il porte l’autre main à son oreille, à ses pieds un mort tente de soulever le couvercle de sa tombe. Le doigt de l’ange montrant le ciel, tente évidemment de dissuader le mort de sortir de son sépulcre. La naïveté et l’étrangeté du tableau amusent M. Mais il peste en tournant autour de la sculpture, l’ensemble de la scène est incadrable.
Il me demande de prendre une photographie de lui. Il escalade la pierre tombale et prend la pose. Depuis la séance photo devant les toilettes automatiques, il a pris goût à ces photos-gags.
Nous visitons ensuite le cimetière juif, à gauche de l’entrée, une petite tombe. Sur une stèle, un avion et une voiture des années 20 en granit. Sur les flancs de la tombe, un bas-relief représentant un petit train. Un texte a été gravé : « Un enfant est mort, et c’est une injustice, car c’est aux enfants d’accompagner les parents à la tombe ». On interprète : l’avion, la voiture, le train sont sans doute les derniers présents que voulait l’enfant avant de mourir. Ses parents n’ont pu exaucer ce vœu, et c’est pourquoi ils ont fait sculpter ces jouets dans la pierre.
Fin du repérage. RV à 15h.
M. veut tourner « utile » et minute impitoyablement la séquence du chemin de Nietzsche. Les plans seront rythmés sur du Wagner.
Déjeuner à l’hôtel. Le portier me demande si je connais Madeleine Robinson, dont il était le voisin. Il est portier dans cet hôtel depuis trente ans. L’endroit est confortable, la décoration du hall un peu ridicule, avec une fontaine et un jet d’eau qui gargouille. Les clients sont pour la plupart âgés et ont pris pension à l’année, l'après-midi, ils font la sieste dans la fraîcheur du hall. La propriétaire de l’Excelsior m’a proposé une grande chambre ensoleillée au dernier étage avec terrasse, réservée aux familles nombreuses. La chambre est calme, tous les jours à l'heure du déjeuner, on entend un apprenti pianiste qui exécute – dans tous les sens du terme – La Lettre à Élise sur un piano qui ne tient plus l'accord.
Raoul Ruiz m’a confirmé les dates de début du tournage de La Ville des pirates pour la deuxième quinzaine de mai. Je pourrai rester presque deux semaines pour les trucages. Fabrication d’un support pour installer le miroir semi-transparent sur la caméra.
 
Samedi 21 avril
Nous sommes allés dîner avec M. chez un ami, un jeune anthropologue portugais. Discussion sur le cannibalisme. On en vient inévitablement à évoquer Le Territoire de Raoul Ruiz. M. me dit qu’il éprouve beaucoup de sympathie pour lui et apprécie son humour. Je saisis l'occasion pour lui demander s'il voit un inconvénient à ce que je parte une dizaine de jours pour le tournage du film de R., pendant qu’il sera lui-même à Porto. Permission accordée.

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